Retour à Bangkok
Carnet de Voyage Asie / PUBLIÉ LE 27/04/2015 /
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Arrivés à Bangkok, nous replongeons dans le tumulte de la ville. En un mois, rien a changé. Le brouhaha incessant, la circulation, la pollution, nous voici à nouveau confrontés au monde des fourmis citadines. Les Chinois vont fêter le nouvel an, le jour même de la Saint Valentin. On s’est promis d’aller assister à leur fête votive. Nous en avons eu un avant-goût - et quel avant-goût ! - à Bang Saen. Imagine : tu dors tranquille, il est deux heures du matin, tout est calme et serein. Et au beau milieu de ce silence résonne l’explosion d’une méga-bombe. Un peu comme celle qui clôture le feu d’artifice de Sauzon le 15 Août. Les Bellilois comprendront de quoi je veux parler. Le bond que j’ai fait dans mon lit, j’ai cru que j’allais traverser le plafond ! Je me suis demandé un court instant si la guerre n’avait pas repris, si Ben Ladden avait décidé de frapper encore une fois… Tout à coup, j’ai été pris d’un doute : et si c’était une alerte au tsunami . On est à 100 m de la plage. Ici, tout est rigoureusement plat… J’ai commencé à tendre l’oreille, essayant de percevoir le grondement prochain de la vague géante qui allait nous submerger. Je me voyais déjà cassant la fenêtre au fond de la pièce, Martine fourrant dans les sacs tout ce qui est à sa portée à commencer par nos deux pochettes avec les papiers, l’argent, les billets d’avion, et l’ordinateur. Je sors le canapé, je le pose verticalement contre le mur, l’eau monte, je saisis les deux sacs d’une main, Martine de l’autre. C’est incroyable comme un tsunami peut décupler vos forces ! Et à cet instant : re- méga bombe. Là, plus de doute, il se passe quelque chose qui nous échappe. Mais la seconde explosion est suivie d’une salves de petites détonation. Je regarde ma montre : 2h30. Et là, je comprends ce qui nous arrive : les Chinois ont commencé leurs feux d’artifices pour fêter l’an nouveau. C’est ainsi que toutes les vingt minutes, et ceci jusqu’à 4h00 du matin, se succéderont des explosions monstrueuses qui ont dû être perçues jusqu’à Bangkok. Vous auriez vu la tête qu’on avait quand nous avons quitté l’hôtel à 7h00 du matin. Je dormais en marchant!
Et arrivés à Bangkok, le Chinois a remis sa tournée : Faut voir la kermesse ! C’est fou comme le Chinois aime le bruit, le rouge (le vin, je sais pas ! Je parlais de la couleur!)les dragons et tout ce qui est kitch !
Bonjour les excentriques ! Les drag Queens sur leurs hauts talons avec le maquillage qui les rend grotesques, voire irréelles. Les enfants qu’on a habillé de pyjamas de soie rouge brodée de fil d’or. Les midinettes s’agglutinent devant l’immense podium pour faire la photo de « M », la gloire nationale, ex-chanteur du groupe de Patrick Juvet qui nous fit une brillante démonstration de ses talents à Pakben au Laos! Des danseuses chinoises déguisées en cow-boy se lancent dans une chorégraphie très « personnelle ». Des milliers d’appareils photos flashent au-dessus des têtes. On se bouscule dans la rue principale qui est maintenant noir de monde. On dirait que la Thaïlande- ou la Chine- vient de remporter la coupe du monde de foot et que toute la population a décidé de descendre dans la rue pour fêter l’événement. Pire qu’à Paris le 12 Juillet 98, rien à voir ! Et au milieu de cette masse humaine circulent quatre dragons colorés au son d’une « musique » haute en couleurs . On dirait qu’on joue sur des casseroles ou des poêles à frire avec des louches. Les Dragons virevoltent, combattent, montent aux lampadaires. Des forêts de bras armés d’appareils photos et tendus au-dessus de la foule tentent d’immortaliser l’euphorie des danseurs. Les trottoirs ont été cette fois investis , non pas par les motos, mais par les camelots. Je crois qu’il serait plus facile de raconter ce que je n’ai pas vu à vendre. Des fruits, des glaces, des marrons chauds, des vestes en polaire ( J’hallucine ! Il est où le réchauffement climatique), des jouets, des téléphones portables, des bijoux, des bougies, (des joubies, des jiboues) , des masques de carnaval, des offrandes, des fleurs par centaines de milliers, des chaussures, des caleçons, des élixirs de jouvence. On s’arrache les billets de loterie : aujourd’hui, c’est jour de chance !
Au-dessus de nos têtes sont accrochées sur la « toile de spaghettis électriques » des milliers de lampions rouges et or. L’allée centrale, investie par les vendeurs de Tout, est la plus encombrée. Surtout ne pas piétiner la marchandise déballée à même le sol. Difficile de se faire entendre pour marchander « la bêbête en plastique qui rampe quand on lui remonte le ressort » . Et puis, tu suis celui qui est devant toi. Jamais tu te retournes, jamais tu ne t’arrêtes… et ne pense surtout pas à faire demi-tour : la fourmilière te happerait, sans autre forme de procès. Ce qui paraît le plus incroyable, c’est que les commerces chinois sont tous, absolument tous fermés. C’est bien la seule et unique fois de l’année. En effet, le Chinois est peut-être considéré comme l’un des plus habiles commerçants, mais il est avant tout un grand dévot devant Bouddha.
Ah! C’est qu’il l’aime, son Bouddha ! Les Chinois du quartier ont fait ériger à coups de millions de Baths un immense Bouddha en or pur qui trône dans un immense temple. Un musée situé juste en dessous de la statue rappelle comment il a été fabriqué et transporté jusqu’en haut du temple. Pensez donc, un pépère de 3,80 m en or massif !
Je pense que cette soirée du 14 février (c’est aussi la Saint Valentin)est le point culminant de la fête. Les Chinois se pressent par milliers pour honorer Bouddha.
On commence par ôter ses chaussures pour accéder au temple. Des sacs en plastique sont mis à disposition pour transporter ses pompes. Heureusement car je ne sais pas comment les gens retrouveraient leurs chaussures à la sortie. J’imagine la pagaille !
Au premier étage du temple, les gens achètent l’encens, les fleurs et une tunique de bonze ceinte d’une étole dorée. Au deuxième étage, on visite le musée et toutes les bondieuseries qui vont avec. Troisième étage: tu commences par te faire copieusement arroser par quelques bonzes à coups d’eau bénite. On t’offre des petites statuettes de Bouddha en plâtre, pas plus grosses qu’une pièce de 10 Baths. D’autres moines offrent carrément de l’eau bénite en bouteille plastique capsulée ou dans des petites éprouvettes.
« C’est pour arroser ta voiture, ta moto, ton usine, ta famille, ton patron, ta maison et tout ce que tu veux! »
Avant de te prosterner devant le grand Bouddha en or massif, les dévots font la queue devant une autre statue qu’ils caressent avec des billets de banque. En même temps, ils prient pour que Pépère et l’année nouvelle leur apportent un maximum de pognon. Je voudrais bien voir les pèlerins de Lourdes caresser les pieds de la Vierge ou de l’Acrobate avec des biftons de cinq cents Euros… Cela serait impensable. Ce qui l’est encore plus, c’est que les Chinois jettent dans une grande corbeille le billet avec lequel ils ont caressé la statue. J’imagine que tout cet argent doit servir aux « bonzes arroseurs » et à la maintenance du temple. C’est bien ce que je disais : impensable en France !
Quand tu en as terminé avec la « statue à billets », tu viens te prosterner devant Pépère en joignant les mains et en murmurant tout plein de prières. Ensuite tu allumes tes bâtons d’encens que tu déposes dans des récipients aux pieds de la statue. Puis tu te diriges vers l’urne pour faire un don. Tu déposes alors tes jolies fleurs jaunes au pied du Bouddha ainsi que la tunique de bonze achetée au premier étage. Toutes les cinq minutes, un bonze passe et remplit deux caddies. L’un avec les fleurs, le second avec les tuniques.
Et ce protocole n’en finit pas. Les gens affluent ici par milliers. Les parents portent leurs plus jeunes enfants. Les invalides sont secondés pour accéder au saint des saints. C’est une véritable cour des miracles. On peut penser que certains qui étaient tellement éclopés à la montée ont sans doute dû rendre l’âme avant d’atteindre le troisième étage. Faudra penser à faire construire un ascenseur !
On a rencontré des gens… on se demande comment ils vivent encore. On en a vu un quasiment à poil, rachitique, aveugle, chauve, manchot, sans jambes, la peau marquée de grands taches blanchâtres et brunes, les flancs couverts d’ecchymoses, d’œdèmes et de pansements purulents. Il était peut-être tombé tout nu dans un wok rempli d‘huile bouillante. Le pauvre! Il ouvrait la bouche comme le font les poissons. C’en était peut-être un…En tout cas, Bouddha n’est pas couché s’il veut faire quelque chose pour cet agonisant !
Quand tu en as terminé avec Bouddha, tu redescends sur l‘esplanade du temple et tu vas tenter ta chance aux jeux et à la loterie. Les organisateurs t‘interpellent à grands coups de micros. Quelle pagaille !
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Article publié le 27/04/2015 à 14h22
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