Le concert laotien
Carnet de Voyage Asie / PUBLIÉ LE 03/04/2012 /
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Le petit marché de Pakben n'a rien de transcendant ! Je vous dis cela comme si j'étais déjà blasé de ces lieux magiques de rencontres. En fait, les petits marchés se ressemblent tous. Ici, la poussière prédomine et la saleté est repoussante. La viande, les tripes, le gras, les poissons, les carcasses de poulet et les rats grillés (grand mets au Laos) s'offrent à la vue des passants et surtout des mouches. Les gosses courent de partout mais la plupart travaille. Au détour d'une travée, et après avoir pris quelques clichés, je sors mon jeu de cartes chinoises... Et tout à coup, le marché se transforme en piste de cirque pour magicien. Ce sont d'abord les adolescents, puis les petits et enfin les adultes qui viennent assister au spectacle. Tous repartent médusés, interrogatifs : « Comment fait-il , le palang (le touriste) pour retrouver dans son dos la carte que j'avais soigneusement remise dans le jeu. Ce jeu que j'avais battu consciencieusement ? » C'est ça, la magie!!!
Retour à notre hôtel après avoir mangé un steak de buffle au barbecue ; mon Dieu! Ce buffle avait dû beaucoup courir...
Et maintenant, chers amis lecteurs, ce qui va suivre est pas piqué des hannetons.
Notre hôtel, pardon, notre Guesthouse, euh, non! L'endroit où on dort (c'est plus juste) est en bois ; et comme chacun sait, le bois transmet particulièrement bien les sons puisqu'on l'utilise en lutherie ! Et bien figurez vous qu'en face de l'endroit où nous dormons se trouve un hôtel, un vrai, en dur. C'est lui qui m'a fait penser au Potala. Cet hôtel, haut placé sur la colline a deux particularités. Le sol de la terrasse est carrelé (ce qui permet une large diffusion du son …) La seconde c'est que la terrasse est partiellement couverte, ce qui fait un peu caisse de résonance. Et devinez ce qu'il y a sur la terrasse : une sono! Une énorme sono, avec des enceintes à faire pâlir de jalousie notre Johnny national quand il joue au Stade de France. Et justement ce soir: c'est « grande tchoutchouka laotienne à l'hôtel. Des personnalités venues de Vientiane (Capitale du Laos) ont décidé d'organiser une « Big Tefeu » ce soir sur la terrasse, avec le Patrick Juvet local. Si je me résume, nous sommes dans une caisse de résonance en bois, allongés dans … le truc qui nous sert de lit, et à moins de trente mètres d'une production sonore -latente pour l'instant- de plusieurs milliers de décibels.
Poum poum poum tchak !
Quand le poum poum poum tchak, poum poum poum tchak a commencé, on s'est relevé d'un bond de notre couche. Moi, j'ai cru qu'un esprit malfaisant m'avait arraché le cœur ! Poum poum poum tchak.... et voici Patrick Juvet qui se met à chanter, non ! Qui se met à parler, non! Qui se met à hurler dans le micro. On s'est regardé avec Martine et on s'est dit ensemble : ça va durer combien de temps, la tchoutchouka ??? Soit le Laotien est sourd, soit c'est moi qui ai les esgourdes sensibles ; ce que la médecine a reconnu comme parfaitement inadmissible. C'est donc bien le Laotien qui est sourd !
Bon Dieu de Bon Dieu de poum poum poum tchak . Faux, évidemment ! Surtout quand Patrick Juvet chante ! Poum poum poum tchak : une horreur! Le Patrick Juvet laotien se serait présenté à l'audition de la Star'ac, il serait passé immédiatement au bêtisier de fin d'année. Poum poum poum tchak !!! On imagine ce que les Américains prisonniers pendant la guerre ont dû subir comme tortures. Ces gens sont parfaitement cinglés. Dans notre lit, malgré les bouchons anti-bruit ou le MP3 dans les oreilles, chaque coup de « tchak » est un supplice. T'as tout ton corps qui tremble. Patrick Juvet hurle de plus belle... et se tait enfin ! Mais la « chanson » à peine achevée, il se met à raconter sa vie au micro pendant une dizaine de minutes. On a l'impression qu'il parle à sa femme dans son portable et qu'il l'engueule parce qu'elle a oublié d'acheter une bouteille de Loaloa chez l'épicier.
Mais tout à coup, les deux « musiciens » qui l'accompagnent, l'un aux percussions, le second au synthé, se remettent au poum poum poum tchak. Et c'est reparti pour un tour. En voiture Simone !Même rythme, même débit sonore! Un Patrick Juvet des grands jours qui a décidé d'offrir le meilleur de lui-même. Les convives de l'hôtel sont ravis … les deux milles touristes qui, comme nous, sont maintenant assis dans leur couche, du papier mouillé dans les oreilles et les mains par-dessus, la couverture qui pue et l'oreiller douteux sur la tête, apprécient la « mélodie » toute laotienne. Poum poum poum tchak poum poum poum tchak ! Toute la ville en profite, toute la région en profite. Que dis-je ? Tout le pays, toute l'Asie jouit des « berceuses » de Patrick Juvet. Poum poum poum tchak ! Poum poum poum tchak !On comprend mieux pourquoi on ne voyait pas un seul singe, pas un seul oiseau, pas un seul serpent, pas un seul insecte dans le secteu. Ne cherchez pas ! C'est pas le réchauffement de la planète ! C'est Patrick Juvet et son orchestre !
Les succès défilent : 10 minutes de musique de parano suivies de 10 minutes de palabres... et toutes les musiques sur le même rythme : Poum poum poum tchak ! Poum poum poum tchak ! A croire que Patrick Juvet ne connaît qu'un seul rythme !!! On a l'impression que la sono est dans la chambre, qu'on dort dessus ! Non ! Pas dessus !Dedans !
Assez ! Assez! Je dirai tout ! Dans les chambres d'à côté on entend les gens rire, comme nous ! Mieux vaut en rire qu'en pleurer ! Et ça dure … bien que les gens de l'hôtel n'applaudissent pas à la fin de chaque morceau ! On se demande d'ailleurs s'ils ne sont pas tous morts... et enfin , à la suite d'une énième chanson, Patrick Juvet se lance dans un discours sans fin. Il remercie sans doute les personnalités présentes, le directeur de l'hôtel et même le vice roi des Indes de lui avoir permis de nous faire apprécier le contenu de son registre musical . ( Poum poum poum tchak ! Poum poum poum tchak !)... et il conclut son speech par un énorme « Sabadee ! » que même les sismographes ont dû déceler à la Guadeloupe !
Et comme « Sabadee! » veut dire bonsoir, on va enfin pouvoir sortir de nos tranchées, enlever les bouchons, soigner les blessés et enterrer nos morts.
Je me suis dit à un moment qu'il y aurait peut-être un bis, voire un ter ? Non ! Le Laotien sait se modérer... et nous l'en remercions. Les meilleures choses ont une fin !
J'ai failli me rhabiller et aller trouver Patrick Juvet pour lui faire signer un contrat avec pour le 14 juillet. Car voyez vous, mes frères, il nous faut savoir reconnaître les talents, tous les talents … et même ceux de Patriiiiick !
En tout cas, une chose est sûre: bien que le dernier CD de Patriiiiick soit dans toutes les gondoles de la FNAC, je ne suis pas acquéreur...
Allez ! Dormez mes frères! Dormez sur vos deux oreilles débouchées! Demain je vais me renseigner pour un circuit Chine.
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Article publié le 03/04/2012 à 07h51
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