Histoire - Guerre du Vietnam
Carnet de Voyage Asie / PUBLIÉ LE 27/04/2015 /
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Nous traversons une immense forêt d'arbres à caoutchouc. Des millions d'arbres, sagement alignés. Sur chaque tronc est fixé une moitié de coque de noix de coco qui sert de coupelle pour récupérer la sève. Des arbres et encore des arbres, partout. Héritage des Français et surtout de Bibendum Michelin. Si la France est venue s'implanter si loin, c'est en partie à cause de lui.
Nous voilà partis de bon matin pour l'univers souterrain de la fourmilière. Le métro ? Non !Les égouts ? Non plus ! La visite des catacombes ? On s'approche !
En fait, ce qu'on va visiter ce matin , c'est toute l'histoire du Vietnam contre les Américains.
Le sud du Vietnam est dirigé, au début des années 60 par Diem, président à la solde des Ricains et qui pourchasse le Vietcong (les communistes) et les extermine. N'oublions pas que les Vietcongs occupent le nord du 17 ème parallèle. Les communistes ont donc investi secrètement la région au nord de Saigon et montent des insurrections auprès de la population locale :
« Rejoignez nos rangs et vous verrez … vous serez heureux ! On vous propose une réforme agraire grandiose à condition que vous combattiez à nos côtés contre les Ricains et les troupes de Diem. On a besoin d'hommes pour aller chercher du ravitaillement au Cambodge et au Laos. L'armement récupéré sera en partie conservé dans la région de Cu Chi (polata ou dans la colle ) située à une vingtaine de kilomètres de Saigon .
Les Américains ont bien compris ce qui se trame à Cu Chi et décident de s'implanter tout autour du district pour l'anéantir. Le Ricain fait pas dans l'à-peu-près ! Bombardiers B-52, chars d'assaut, fantassins armés jusqu'aux dents, les voici qui pénètrent dans le cœur de la fourmilière. Y'a plus d'arbres, y'a plus de forêts : tout a été anéanti au napalm et au défoliant. (Aujourd'hui encore, une grande partie des Vietnamiens qui vivent dans cette région sont atteints très jeunes de cancer ou de malformations...) N'oublions pas que les Américains ont bien signé la convention de Genève qui stipule que toute utilisation de gaz, quelqu'ils soient est strictement interdite. On en déduit par conséquent que l'Américain ne sait pas lire.
Dès qu'un GI montre le bout de son nez, les Vietnamiens montent des embuscades. Les Vietnamiens construisent des trappes à bascule invisible recouvertes de feuilles qu'ils disposent le long des chemins. Quand tu bascules dedans, tu t'empales sur des bambous acérés recouverts de poisons. Parfois, ils rajoutent quelques serpents extrêmement dangereux et des scorpions, au cas où le GI aurait survécu aux bambous, ce qui n'est pas probable... Trappes en tout genre, nasses pour les pieds, pièges à bascules. Quand les Américains ont compris le piège, les Vietnamiens s'empressent d'en inventer un nouveau.
Les bombes qui n'ont pas explosées au sol sont démontées. On réutilise le TNT pour faire des bombes artisanales ou des mines anti-personnel. Les bombes sont découpées pour faire des flèches acérées qu'on installe dans les pièges. L'art des vietkong est de surprendre, tuer... et rentrer dans son trou. C'est le trou que nous sommes venus visiter.
Les Vietnamiens ont donc aménagé sous terre un réseau de galeries de 200 km, reliant plusieurs villages du district à la Saigon River et à la capitale elle-même. Les galeries s'étagent sur trois niveaux : 1er niveau : lingerie féminine, soutien-gorge, culotte, 2ème niveau : puériculture... non! Je déconne! J'essaie de juste de reprendre un peu ma respiration avant de vous expliquer « les galeries de la fourmilière ». Le premier niveau est donc construit à trois mètres sous terre, une terre rouge, très dure mais qui ne s'effondre pas avec les pluies diluviennes. Il n'y a donc pas d'étais. On trouve ici les ateliers pour confectionner les pièges, les salles de commandement, une école pour les petits villageois, une infirmerie, et toutes sortes de pièces servant de menuiseries, cordonneries, mini-forge, préparation des galettes de riz, etc... Bref ! De quoi tenir un siège souterrain. Toutes ces pièces sont reliées les unes aux autres par des galeries relativement spacieuses : 80 cm de haut ! Ça peut paraître ridiculement petit pour les gros ricains ou Européens que nous sommes, élevés à la côte de bœuf sauce béarnaise avec des frites. Mais pour un Vietcong élevé au riz sans sauce, circuler dans ces boyaux ne pose aucune difficulté.
Deuxième niveau, élaboré à huit mètres sous terre : ici on trouve les tunnels de fuite permettant de passer rapidement d'un village à l'autre. Les boyaux sont déjà plus étroits : 60 cm par 60. On passe parfois dans des salles aménagées (cuisine ou hôpital). Les fumées sont évacuées par un judicieux système de bambous creux. Ainsi, la fumée des cuisines peut ressortir à plusieurs kilomètres du feu initial. Les Vietcongs utilisent également les termitières pour installer leur bambous creux. Elles leur servaient de bouches d'aération.
Et puis on arrive au troisième sous-sol : un réseau élaboré à dix huit mètres de profondeur et permettant, entre autre de rejoindre Saigon ou la rivière pour échapper à l'ennemi ou faire rentrer le matériel de guerre provenant du Cambodge. Faut surtout pas être claustrophobe pour se glisser dans ces boyaux de 40 cm par 40 cm.
On imagine les soldats armés se glissant dans ces galeries pas éclairées. On suffoque littéralement, avec la peur que tout cela ne s'écroule. La sueur, la moiteur, et la terreur...
Les gaz ont bien entendu été employés mais les Vietnamiens qui avaient prévu le coup avaient construit des portes et des sas isolants.
Bref, on n'entre pas dans les galeries de la fourmilière.
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Article publié le 27/04/2015 à 14h08
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