En direct de Chau Doc !(
Carnet de Voyage Asie / PUBLIÉ LE 27/04/2015 /
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En direct de Chau Doc !(A quelques kilomètres du Cambodge)
Nous avons quitté la canonnière pour aller dormir à bord d'un gros « sleeping boat », un bateau-dortoir, si vous préférez. Notre agence à Saigon nous avait pourtant expressément précisé que nous dormirions dans un hôtel, en dur !
L'agence commence d'ailleurs à accumuler un lot de contradictions qui m'a fait monter la moutarde au nez. Déjà la veille, nous devions déjeuner gratuitement, ceci ayant été convenu à la signature de notre contrat. Résultat des courses : pas de déjeuner.
Le soir, le dîner à bord était inclus dans le prix : pas de dîner offert non plus. On nous avait parlé de fruits offerts : où sont-ils ?
Le breakfast de ce matin ? Même leçon, même punition !
Et puis arrive le guide khmer qui nous explique que nous sommes les seuls du groupe à avoir choisi le « slow boat » pour nous rendre à Phnom Penh alors que toutes les autres personnes ont choisi le « fast boat ». Ce dernier met quatre heures au lieu de sept pour arriver dans la capitale du Cambodge, et en plus , on vous sert le repas à bord , « absolument gratuit, my friend ! »Je lui explique alors que je ne suis pas du tout, mais alors pas du tout satisfait des prestations de son agence et que tout ce qui était soit disant inclus, c'était juste une grosse arnaque.
I sait pas qui sait Raoul. Je vais te lui refaire un costard au Khmer, ça va pas être long ...I va aller chanter Ramona chez Mimi la Poisse et je vais te lui faire bouffer son chapeau en paille de riz avec des baguettes.
Toutefois, méfions nous du Khmer ! Le couple de Franco-Cambodgien que nous avons rencontré sur le bateau nous met en garde. C'est bien de trouver à bord des gens qui parlent et le Français (pour la causette) et la langue du pays (pour le business). Ainsi, la dame me dit que le Khmer que j'ai face à moi est très mal poli et qu'il cherche juste à m'entuber profond. Elle se mêle à la discussion à son tour mais dans la langue locale. Elle fait comprendre au gugus que je me suis fait arnaquer sur la bouffe et que ça commence à bien faire. Qu'elle va, elle aussi, se plaindre à l'agence et que si ça continue, la France va déclarer la guerre à toute l'Indochine .
Le Khmer commence à me supplier de prendre son fast boat. Moi, stoïque, je lui dis qu'il peut aller se faire empapaouter chez les Laotiens... D'autant plus que j'apprends que nous ne serons que deux à bord du slow boat et ça : ça l'emmerde ! Affréter un bateau pour deux abrutis uniquement, sûr qu'il perd de l'argent.
Je te le laisse bien mariner dans sa sauce soja … et au bout de dix minutes, j'accepte sa proposition. Attention! Le Khmer peut être excessivement violent et celui que j'ai en face de moi à tout à fait la tête du parfait boucher d'un camp d'extermination.
Lui, la mine réjouie me dit tout de go : ça fait 10 dollars.
« Mais mon coco ! J'ai pas de Dollars ! Faut que j'aille à la banque !
Le Khmer me propose alors de m'envoyer de l'autre côté du fleuve , dans la ville, pour faire du change. Je traverse avec un petit bateau à moteur, conduit par un « taxi man » du cru. J'arrive en face -on n'oublie pas qu'il est 7h15 du matin-, et là : pas de banque ! Mais juste un distributeur de billets dont je n'ai que faire puisque primo : je n'ai pas de carte et deuxio : le distribanque ne donne que des Dongs Vietnamiens. Après avoir déambulé dans la ville pleine de fourmis, je rencontre finalement un très sympathique enseignant vietnamien qui m'emmène gratuitement -c'est incroyable-, sur sa moto dans une banque … à l'autre bout de la ville. Il me laisse devant la porte et s'en va car il est pressé. Je rentre dans la banque :
« Ah ! Non Monsieur ! Les banques vietnamiennes prennent toutes les monnaies que vous voulez mais ne vous donnent que des Dongs en échange...
Merde! Le gars à la moto est reparti. Je suis à l'autre bout de la ville, mon groupe m'attend pour terminer le circuit des visites, il fait un bon 35 ° et … toujours pas de Dollars.
Je fais alors appel à mon sens « Mac Giver ». Je commence à piquer un sprint dans la rue pour retrouver le gars qui m'attend sur la plage avec son bateau. Bon Dieu! Voilà ti pas que je passe devant une bijouterie chinoise. Je m'arrête ( non pas pour acheter une gourmette, -qu'est-ce que vous voulez que je fasse d'une gourmette ! ni pour acheter un joli collier à Martine- Raphaëlle lui avait déjà offert un collier de nouilles pour sa fête des mères en 1992 ! ) Je demande juste à la Chinoise - qui m'a vu venir - si elle peut me faire du change.
Palabres et repalabres, elle me propose un taux absolument unique : 1 €uro pour 1,28 Dollar.
Je lui ai demandé en Français si c'était pas une cousine à Mimi la Poisse !!!
Après avoir dealé pour 50 €, je repars en courant avec l'impression de courir avec un gros bâton dans le derrière. M'a bien arnaqué, la grognasse ! Mais bon ! Elle m'a aussi bien dépanné! Je vais pouvoir payer le fast boat et les visas pour l'entrée au Cambodge. C'est le Khmer qui va être content...
Mais c'est pas fini !
Quand j'arrive sur la plage, suant comme un cochon : plus de bateau ! Il est parti où, mon traverseur du Mékong ?
Il arrive finalement un bon quart d'heure après avec deux Autrichiens qui eux, n'ont pas pu obtenir de Dollars car ce n'est pas donné à tout le monde d'avoir le sens « Mac Giver ». Les mecs sont complètement anéantis. Je leur explique alors où trouver des Dollars. Je repars avec eux pour un nouveau 3 000 mètres steeple.
Quand on est revenu de l'autre côté de la berge à notre hôtel, le groupe ne nous avait pas attendus. On nous invite à monter à bord d'une autre jonque pour aller … je sais pas : le gars ne parle pas un mot d'Anglais. Le bateau file sur le Mékong. Je croise une ado du pays qui parle l'anglais. Je lui demande où va cette magnifique jonque qui fend les flots ? Alors, avec un sourire éclatant, elle me répond :
« A Saïgon ! »
Ça y'est, t'as fini de rire, lecteur ?
Je lui dis que j'ai laissé ma femme et mes bagages sur l'hôtel flottant et que je ne vais pas à Saïgon mais au Cambodge ! Tête ahurie de la fille qui va voir le capitaine de la jonque.
On fait demi tour et on revient à la case départ.
Finalement, je retrouverai Martine et tout le groupe chez une tisserande et je n'aurai malheureusement pas pu visiter la pêcherie que je me faisais une joie de découvrir.
Voilà! On est en route vers le Cambodge sur le fast boat, j'ai mes dollars pour payer les visas, Martine est avec moi et, j'ai vérifié, nos bagages sont à bord.
Et si le jhdfgfkgjfkgb * de Khmer me fait payer mon repas du midi, je lui fais subir les pires atrocités que même les Khmers n'ont pas fait subir à leur peuple. Mais ça : c'est une autre histoire...En fait, en guise de repas, ça a été vite , mais alors très vite fait : un Bolino bien chaud et bien spicy. C'est tout ! Pas d'eau, pas de fruits, pas de café. « Bouffe ton Bolino et tais toi! »
Nous sommes arrivés à la frontière sur le bord du Mékong où on nous a fait poireauter une bonne demi-heure sous le soleil.
Z'aiment bien la paperasse , dans ces pays là !
*Insulte congolaise qui ressemble à l'insulte yougoslave que vous avez lue il y a quelques temps déjà, intraduisible, elle aussi !)
Enfin! Nous voici maintenant au royaume du Cambodge. Bizarre : toute forme de vie le long du fleuve a disparu comme par enchantement. Mais où sont donc passées nos fourmis ? Le fleuve ici est très large. On voit bien de temps à autres une famille cambodgienne travailler dans les champs en surplomb ou laver leur troupeau de buffles. Mais pas d'habitations, pas de route le long des rives et même pas de fils électriques. On dirait que tout a disparu.
C'est en partie vrai car il faut ici rappeler ce qu'on fait les Khmers (les communistes du Cambodge) lorsque les accords de Paris ont été signés. Pour eux, les combattants de l'impérialiste américain, c'était un blanc seing pour régler les comptes avec tous les gens qui avaient été de près ou de très très très loin pro-partisans des Ricains. Cela s'est passé exactement comme le 14 Juillet 1789.Tout ce qui n'était pas paysan ou artisan est passé entre les mains du boucher : fonctionnaires, professions libérales, artistes, prêtres, enseignants, chercheurs, médecins, journalistes, intellectuels, commerçants...
J'arrête ! Le Khmer est en train de lire dans mon dos ce que je suis en train d'écrire, pour peu qu'il lise le Français et qu'il soit un agent du KGB Cambodgien, je risque d'avoir des petits problèmes avec les bouchers du pays.
Ça y est ! L'espion est reparti ! Poursuivons !
Donc, quand les Ricains sont partis, les Khmers ont décidé de créer un nouveau pays, un pays propre, sans aucune tâche. Tous les cambodgiens qui avaient trafiqué avec les capitalistes ou le sud Vietnam (donc tous les réfugiés ), tous ceux qui avaient pu avoir une « attitude capitaliste » ont été immédiatement découpés au sabre avec un raffinement tout à fait exquis. Les Khmers sont maîtres en la matière...Ils leur arrivaient de dépecer une mère devant ses enfants, puis dépecer les enfants devant le père et laisser le père vivant pendant quelques mois pour qu'il rumine bien ce qu'il avait vu. Et quand il avait bien ruminé, il était découpé à son tour. Mais ils pouvaient aussi commencer par les enfants, ou les grands-parents, voire même avec les lointains cousins... A partir du moment où tu étais dénoncé et pris, tu étais mort et tu entraînais dans la mort absolument toute ta famille, proche ou lointaine. Le plus souvent on exterminait les adultes dans les camps et on épargnait les enfants. On demandait juste aux gamins de dénoncer tous les éléments subversifs de la famille. Charmant, n'est-ce pas ? Tout ceci s'est passé de 1973 à 1979, dans le silence et l'indifférence la plus totale.
Les prisonniers avaient juste droit à une ration de nourriture équivalente à 700 calories par jour. C'est pour cette raison que le Cambodgien est devenu maître dans l'art de cuisiner les insectes. Mais gare ! Le prisonnier qui était surpris à manger deux mygales au lieu d'une était immédiatement fusillé...Vilain gourmand !
La seule chose un peu « exotique » à visiter à Phnom Penh est donc le « killing field », autrement dit : « camp de la mort ». Nous nous sommes bien gardés d'aller visiter ce camp d'extermination où sont exposés au soleil les squelettes de 1 650 000 martyrs. L'enfer pour les Humains, le Paradis pour les Chiens .
Quand des membres de l'ONU ont pu enfin entrer dans ces fameux camps, il paraît que les tables de tortures étaient encore couvertes de sang frais. Ce qui veut dire que lorsque les officiels étaient encore à l'entrée du camp, les Khmers découpaient encore et encore. On a cru que la boucherie s'arrêterait avec l'intervention de l'ONU. Penses-tu ! Les Khmers ont continué à pourchasser les vilains capitalistes. Le problème, c'est qu'ils n'y en avaient plus un seul de vivant au Cambodge. Alors les Khmers sont allés se servir … au Sud Vietnam. Les Vietcongs les ont laissé faire pendant quelques années puis sont entrés au Cambodge pour bien faire comprendre au Khmers qu'il fallait arrêter de jouer avec les sabres. Petite guerre qui aura duré jusqu'en 1989 avant que le Cambodge ne comprenne. Les Vietnamiens se sont retirés du pays, soulagés, d'autant plus que cette guerre contre le voisin cambodgien leur faisait perdre beaucoup de temps et d'argent qui auraient été d'autant plus nécessaires à la reconstruction de leur pays .
Après ce petit cours d'histoire, revenons à Phnom Penh .
Les abords de la ville sont sordides. Est-ce parce qu'ils refont la route et que nous circulons dans un nuage de poussière. Toutes les maisons sont construites sur pilotis enfoncés dans des fossés où je n'irai certainement pas me baigner. Il fait vraiment très chaud quand nous entrons dans le cœur de la ville. Embouteillages monstres. Nous mijotons dans notre minibus en compagnie d'une quinzaine de touristes. Les avenues sont plus étroites qu'au Vietnam, les trottoirs semblent moins encombrés , donc accessibles, et les boutiques paraissent plus propres. Les spaghettis électriques servent toujours de plafond... On a donc une impression mitigée. En effet, la ville paraît plus « engageante » que celle d'Hanoï ou de Saïgon mais les gens sont sans aucun doute plus pauvres. Ils sont cependant plus souriants. On pourrait dire que le Cambodge, c'est un peu un mélange du Laos et du Vietnam.
A peine débarqués du bus, nous checkons pour une chambre au Capitole Palace, oui Madame! pour la modique somme de 10 dollars. Nous nous apprêtons à partir faire un tour en ville quand nous tombons nez à nez avec trois Français que nous avions déjà côtoyés sur la jonque : Riri, Serge et Nicole. Un couple de Limougeaux et leur ami Riri, : journaliste assez âgé mais toujours « bon pied – bon œil », consul de la République de Montmartre, organisateur des vendanges de la ville du même nom, ex- marin, guide pour des tours opérators. La casquette de capitaine rivée sur la tête, le tricot marin rayé bleu et blanc, Riri a tout du vieux loup de mer du haut de ses soixante seize printemps. Faut le faire : bourlinguer à son âge hors des sentiers battus, tout en gérant un diabète !!! Mais Riri vient de s'apercevoir qu'on lui a dérobé son petit sac de voyage. On a tous évidemment deux sacs : le gros dans lequel y'a les chaussettes, les chemises et les slips et le petit, celui dans lequel on trouve tous les papiers, passeport, visa, argent, carte bleue, piqûres d'insuline, lunettes, clés...
La police est prévenue. Le gros commissaire, armé de son gros pistolet et de ses quinze téléphones portables, emmène au poste Riri, son copain Serge et le chauffeur de taxi. Les Français sont certains que le sac était bien dans le véhicule quand celui-ci, après les avoir déposés, est reparti. Riri, qui s'en est aperçu immédiatement appelle le chauffeur de taxi sur son portable. Le chauffeur lui signifie alors qu'il fait juste le tour du pâté de maisons et qu'il arrive. Une fois arrivé, plus de sac. L'a-t-il balancé à une relation ou à un complice ???
Comme les deux Français sont au commissariat, nous tenons compagnie à Nicole. Pour nous remercier, elle nous invite le soir au restaurant. « Pho »(on prononce feu) pour tout le monde !
Le pho est une espèce de fondue savoyarde locale. Il suffit de remplacer le fromage par du bouillon et les morceaux de pain par des légumes et des tripes de porc. Un peu de boudin de poulet par dessus, de la sauce pimentée : t'as une authentique fondue savoyarde cambodgienne. Mais personnellement, je préfère la savoyarde. Les tripes bouillies, euh ...
On a quitté nos trois amis et on est retourné au « Capitole Palace ». Ça fait du bien : une bonne douche et un bon lit. D'autant que demain, on remet ça avec six heures de car pour rejoindre Siem Reap et les fabuleux temples d'Angkor.
En tout cas, y'en a un qui a dû faire une grosse teufeu ce soir : c'est celui qui a dérobé le sac de Riri. Dedans, y'avait 1000 euros, juste deux ans et demi de salaire pour un Cambodgien. De quoi se taper une bonne côte de bœuf béarnaise et pas un bol de tripes bouillies pour fêter ça !
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Article publié le 27/04/2015 à 14h14
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